Biographie de El Greco
Dates principales de la vie de El Greco
1541 – Naissance de Domenikos Theotokopoulos, dit le Greco
1566 – Arrivée à Venise, collaboration avec Titien
1570 – Séjour à Rome
1576 – El Greco quitte l’Italie pour Madrid puis Tolède
1586 – Il réalise son chef d’oeuvre “l’Enterrement du comte d’Orgaz”
1614 – Décès d’El Greco le 7 avril à Tolède
Biographie détaillée de El Greco (1541 – 1614)
Domenikos Theotokopoulos, dit le Greco, est né à Candie, en Crète (alors protectorat de la république de Venise), en 1541. On ne sait rien de sa formation avant son arrivée à Venise, après 1566. Sans doute fut-il peintre d’icônes : à cette époque, en Crète, on pratiquait une peinture vénéto-byzantine (voir Byzantin, art) dont il reprit parfois l’esthétique épurée et spiritualisante.
Premières oeuvres à Venise et à Rome
Vers 1566, le Greco s’installa à Venise, où il collabora à l’atelier de Titien jusqu’en 1570. Son intérêt pour la peinture du Tintoret est visible dès ses premières oeuvres vénitiennes, comme la Guérison de l’aveugle (v. 1566-1567, Gemäldegalerie, Dresde). Il s’agit alors d’une recherche sur la construction des volumes par groupes de figures, dans laquelle l’artiste refuse d’isoler les différents éléments picturaux.
Son travail subit une profonde évolution lors de son séjour à Rome, de 1570 à 1576, pendant lequel il côtoya les maniéristes tardifs Sermoneta, Taddeo Zuccari et surtout Muziano, l’un des rares Vénitiens actifs dans la capitale de l’État ecclésiastique à cette époque. Outre une Annonciation (v. 1575, musée du Prado, Madrid), l’oeuvre la plus caractéristique de cette période reste le Christ chassant les marchands du Temple (v. 1570-1575, Institut d’art, Minneapolis) dans laquelle on trouve les portraits de Titien, de Michel-Ange et de Giulio Clovio, le miniaturiste et enlumineur dalmate avec lequel le Greco était en contact en Italie. La Pietà du musée de Philadelphie (avant 1577) révèle, en revanche, les éléments fondamentaux de la personnalité artistique du Greco : les plans sont nettement divisés par un schéma d’aspect plutôt géométrique.
Période espagnole
À Rome, il rencontra plusieurs artistes espagnols associés à l’église de Tolède, qui semblent l’avoir persuadé de se rendre en Espagne, où la décoration de l’Escorial était en chantier. En 1576, il quitta l’Italie et, après un bref séjour à Madrid, il arriva à Tolède au printemps de l’année 1577. Il commença rapidement à travailler sur ses premières commandes espagnoles, réalisant pour l’église de San Domingo el Antiguo une série de tableaux aujourd’hui répartie entre Madrid et Chicago. Dans l’Assomption de la Vierge (v. 1577, Art Institute, Chicago), destinée au maître-autel, on trouve des architectures qui évoquent la ville de Venise. Mais il s’agit là d’un italianisme limité à des citations iconographiques!; l’art du Greco prenait alors un chemin plus personnel.
Le Greco contribua de façon épisodique aux commandes artistiques du roi Philippe II qui achevait en 1582 les travaux du monastère-palais royal de l’Escorial, près de Madrid. Le Martyre de saint Maurice (1579-1584, Escorial) démontre combien la peinture qu’il présentait était en contraste avec les goûts de la cour, qui préférait faire appel aux maniéristes italiens. (En guise de caution artistique, ceux-ci parvenaient à Madrid couronnés des lauriers de la gloire romaine.) L’enchaînement continu des figures et le désintérêt à détailler l’environnement de celles-ci provoquent sur le spectateur une impression de dynamisme circulaire, dans lequel la scène-événement est reléguée à un second plan latéral.
Le Greco travailla également pour la cathédrale de Tolède : le Christ dépouillé de sa tunique (1577-1579), pour la sacristie, représente le Christ dans une robe rubis entouré par ses ravisseurs. Cette oeuvre fit l’objet d’un procès (le premier de toute une série), intenté par l’artiste contre ses commanditaires, qui désiraient baisser son prix. Durant cette époque, le Greco composa surtout des oeuvres d’inspiration religieuse, comme le Christ portant la croix (musée du Prado).
Émergence d’un maître espagnol
En 1586, le Greco peignit l’un de ses plus grands chefs-d’oeuvre, l’Enterrement du comte d’Orgaz, pour l’église de Santo Tomé à Tolède. Cette oeuvre, toujours en place, figure le miracle du ravissement de l’âme d’un noble de Tolède du XIVe siècle auprès de saint Étienne et de saint Augustin. Au-dessus de la tombe, l’âme du comte s’élève vers un ciel peuplé d’anges, de saints et de personnages contemporains. La lumière colorée met en évidence les figures participant au moment du passage entre la vie terrestre et l’immatériel. C’est une peinture empreinte d’une forte spiritualité que tous les moyens techniques doivent servir. On ressent ici clairement une atmosphère mystique, proche de celle présente dans les écrits de sainte Thérèse d’Ávila ou de saint Jean de la Croix.
Le Greco était un peintre lettré, ami des poètes Luis de Góngora et Fray Hortensio Felix de Paravicino, dont il peignit le portrait vers 1610 (Museum of Fine Arts, Boston). Il peignit également une vue de la ville de Tolède (v. 1600-1610, Metropolitan Museum of Art, New York), aux couleurs sombres et au caractère assez topographique, et un Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre (1597-1599, National Gallery of Art, Washington), caractéristique de sa manière expressive et solennelle.
Dernières oeuvres
Les dernières oeuvres semblent témoigner d’une volonté de l’artiste d’aller vers une plus grande simplification, au service d’une exaltation quasi mystique. La figuration est abrégée, voire réduite à l’essentiel nécessaire à l’identification. L’espace, géométrique, morcelé, ainsi que les figures sont traités de manière globale. Les lumières paraissent presque irréelles. Le Laocoon (v. 1610-v. 1614, National Gallery, Washington), l’un des rares tableaux au sujet mythologique que l’artiste ait réalisés, atteste ces préoccupations, ainsi que la décoration de la chapelle Saint-Joseph de Tolède (Saint Joseph et l’Enfant Jésus, v. 1597-1599).
Le Greco mourut à Tolède le 7 avril 1614, et fut enterré à Santo Domingo el Antiguo. C’est l’un des maniéristes les plus appréciés du public aujourd’hui. Sa recherche, fondamentalement ancrée dans les préoccupations esthétiques du XVIe siècle, est souvent interprétée à tort comme une anticipation de la démarche abstraite du XXe siècle.